Dessiner la musique
Susciter, par un dessin, la réalisation d’une idée musicale avec le corps et la voix ; fixer une idée musicale à travers une notation non traditionnelle, sans l’enfermer dans un monde de codes et formalismes. Voici quelques questions liées à ce puissant outil de création musicale, créé et développé par Guy Reibel et transmis à plusieurs générations d’élèves dans ses ateliers de composition de jeu vocal.
Pensée au départ comme une manière de garder une trace de ce phénomène aussi éphémère qu’est le jeu vocal, la notation dessinée peut également devenir une porte d’entrée privilégiée vers la création.
Accessible à toutes et à tous, indépendamment de l’expérience musicale préalable, cette approche ne repose pas sur la maîtrise d’un système de notation codifié (qui, dans sa forme traditionnelle, demande des années d’apprentissage du solfège).
Au contraire, créer à partir du jeu vocal, c’est inviter chacun·e à inventer sa propre manière de dessiner la musique à partir de son intuition, et composer ainsi des pièces vocales accessibles à tou·te·s.
Mais comment passer du jeu à la notation ? Dans ses ateliers, Guy Reibel propose que l’on commence par un exercice de dictée musicale :
Dictée musicale
À partir de l’écoute d’un extrait de jeu vocal (enregistré, ou joué en direct par un groupe de participants), Guy Reibel présente l’exercice :
« Qu’entendez-vous ? Comment noteriez-vous l’extrait sonore suivant ? Ou plutôt, comment le dessineriez-vous, afin de vous en souvenir et de pouvoir le reproduire le plus fidèlement possible ?
Astuce : il ne s’agit pas de noter avec une précision physique et mathématique. Il s’agit de donner une image de ce que vous entendez, sachant qu’il y en a plusieurs ! »
Voici quelques réalisations de cet exercice, produites lors des Ateliers de Composition de Jeu Vocal à partir d’un jeu libre sur le texte “Dans la vraie vie…” :




L’exercice de dictée musicale dessinée constitue un premier geste dans ce processus de transposition de l’événement sonore, éphémère, vers sa notation sur le papier.
Une fois qu’un participant a pu réaliser un premier dessin, il est intéressant de l’inviter à chanter sa partition dessinée devant le groupe, puis d’inviter le groupe à chanter collectivement le dessin réalisé, afin que chacun puisse faire l’expérience d’entendre comment le groupe interprète musicalement son dessin.
À travers cet exercice de dessiner la musique, nous faisons appel intuitivement aux correspondances qui nous semblent appropriées dans cette tentative de passage d’un monde à l’autre.
On rencontre presque toujours :
- Plus ou moins gros = plus ou moins fort
- Plus ou moins serré = plus ou moins vite
- Plus ou moins haut = plus ou moins aigu
Il est important également d’évoquer que le dessin permet aussi de rendre visible sur le papier une dynamique essentielle du phénomène vocal : l’idée de mouvement.
Avec ce type de notation, il devient également possible de dessiner les gestes vocaux, les mouvements virtuels des sons dans leur continuité, les modulations de l’énergie, des fluctuations permanentes du son, oubliant les découpages pour vivre le flux sonore, hors du temps, de tout système, de toute mesure.
À gauche, extrait de la pièce Daï, de Guy Reibel.
Développer l’idée musicale
Une fois qu’une idée musicale suffisamment claire émerge de ce processus, il est temps de la développer pour qu’un court extrait, une intuition première, puisse devenir une pièce. C’est le moment de mettre les mains dans la matière sonore !
Guy Reibel poursuit l’atelier :
« On dessine un son vocal, un objet sonore, un point de départ. On peut ensuite le sculpter, le métamorphoser par des transformations variées, avec des manipulations ou opérations qui permettent d’agir sur le son par :
- répétition
- fragmentation
- élongation
- compression
- coloration
- transposition
- épaississement ou amincissement
- multiplication
- etc…
À ce moment-là, il s’agit de trouver la direction que prendra le développement du matériau, en fonction du projet que l’on a pour la pièce.
Il est essentiel, à cette étape du processus, de ressentir la nécessité de recourir à telle ou telle opération ; d’être à l’écoute de ce que le matériau demande comme transformation. Et surtout : il ne faut pas laisser le processus de notation et d’écriture tuer le vivant présent dans le jeu. ».
Autres ressources
Le processus de composition à partir du jeu vocal a été largement documenté dans le DVD Dessine-moi la musique
Quelques partitions réalisées à partir de cette approche :



